L’essor de l’énergie solaire distribuée en Afrique subsaharienne

Fort d’un potentiel de production d’énergie par le soleil largement supérieur à l’Europe ou même l’Asie, le continent africain dispose déjà, en théorie, d’une solution à son problème de carence énergétique, lequel risque d’être amplifié par une croissance démographique très élevée. En pratique, le solaire distribué commence à s’imposer comme une source énergétique économique et efficace aux côtés de l’offre conventionnelle. Pour autant, cet immense marché doit encore être harmonisé à l’échelle subsaharienne et ainsi gagner en maturité.

En Afrique subsaharienne (ASS), l’Afrique de l’Ouest et son voisin de l’Est ne sont pas au même stade de développement du solaire distribué. Or, les deux régions peuvent en tirer des bénéfices significatifs en matière d’efficacité énergétique et d’empreinte environnementale.

Énergie solaire distribuée : disparités entre l’Est et l’Ouest

L’Afrique de l’Est – dont font partie l’Éthiopie, le Kenya, l’Ouganda et le Rwanda – est le berceau de la production d’énergie solaire décentralisée sur le continent. Cette prévalence historique n’est pas fortuite : avec un taux d’urbanisation de 39 %, l’Afrique de l’Est est l’une des régions les plus rurales au monde (“Dynamiques de l’urbanisation africaine 2020OECD). Cela justifie le recours à des programmes énergétiques hors-réseau, quasi autonomes et souples.

L’Ouganda en est la parfaite illustration : ce pays vient de confirmer, aux côtés de la Sierra Leone, le lancement d’un projet d’électrification portant sur l’installation de près de 50 mini-grids solaires. Développé par Winch Energy, EDF, Mitsubishi et Meridiam, ce projet d’infrastructure fournira de l’électricité propre à 60 000 personnes.

L’Afrique de l’Ouest, quant à elle, n’est, généralement, qu’au début de son histoire avec la production d’énergie solaire distribuée. Contrairement à l’Afrique de l’Est, l’Ouest africain bénéficie d’une urbanisation et d’une densité de population élevées, voire très élevées à certains endroits. Le Nigéria, le Togo, le Ghana, et la Gambie, entre autres, ont un taux d’urbanisation supérieur à 50 % (“Dynamiques de l’urbanisation africaine 2020OECD).

La production d’énergie conventionnelle, quoique régulièrement déficiente, demeure la règle. Plus de la moitié de la capacité électrique de la région provient des centrales à gaz, situées essentiellement au Nigéria, tandis que 30 % des capacités sont issues de centrales à fioul, et 20 % de barrages hydroélectriques (“Mix énergétique de l’Afrique de l’Ouestconnaissancedesenergies.org).

Malgré cela, le mix énergétique de la région devrait évoluer vers davantage de solutions renouvelables, y compris distribuées. Le Nigéria – pionnier en la matière -le Togo et le Bénin s’y emploient en offrant un cadre réglementaire et économico-fiscal favorable, sinon incitatif, au développement des mini-grids. De son côté, le Sénégal reste le marché historique des kits solaires individuels.

Énergie solaire distribuée, un marché au potentiel immense

La production d’énergie décentralisée renouvelable ne se limite pas au prisme Est/Ouest de l’Afrique. Loin s’en faut.

Prenons le cas de la République Démocratique du Congo, en Afrique centrale, qui, avec le Nigéria, représente le potentiel le plus important de production d’énergie renouvelable distribuée.

Fin 2021, le « Congo Kinshasa » a annoncé la signature d’un projet extrêmement ambitieux, du jamais-vu sur le continent : l’investissement de 400 millions de dollars, par le biais de partenariats public-privé, dans la création de mini-grids déployés autour de 21 capitales régionales. Cette initiative, soutenue par la Banque Mondiale, doit fournir de l’énergie propre à 1,5 million de personnes, et faire passer le taux d’offre d’électricité du pays de 19 % à 30 % à l’horizon 2024.

Rappelons que le taux d’accès à l’électricité moyen en Afrique subsaharienne n’est que de 43 %. Un chiffre divisé par deux dans les zones dites rurales (Banque Mondiale2020). L’élargissement de l’offre énergétique et l’amélioration de sa fiabilité ne sauraient passer uniquement par des projets provinciaux circonscrits à des objectifs spécifiques – l’électrification d’un quartier, d’un village, ou d’une zone industrielle ou commerciale.

Ainsi, l’émergence d’initiatives panafricaines et internationales se révèle nécessaire, à l’aune notamment de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine visant à transformer le continent en puissance économique de premier plan.

Sur le marché, les principaux fabricants et opérateurs de mini-grids et de kits solaires sont entrés dans une phase de régionalisation. Ils sont désormais présents dans trois, quatre, voire cinq pays. D’ailleurs, un mouvement de consolidation semble se dessiner. Des discussions concernant de potentiels rachats sont en cours, en particulier dans le secteur des kits solaires.

Il n’y a pas de temps à perdre. La croissance démographique du continent doit porter le nombre d’habitants à 4,4 milliards en 2100, soit 40 % de la population mondiale.

Si le renouvelable distribué n’a pas vocation à remplacer la production d’énergie conventionnelle – pour des raisons techniques, économiques et politiques -, l’alliance complémentaire entre ces deux solutions doit éclaircir l’horizon énergétique de l’Afrique. Selon l’Agence internationale de l’Énergie (« Africa Energy Outlook », 2019), si l’on souhaitait assurer l’accès universel à l’électricité en Afrique d’ici à 2030, le renouvelable distribué serait la solution la plus adaptée et la plus économique pour 450 millions de personnes, contre environ 320 millions de personnes pour le réseau électrique conventionnel.

Selon un rapport de la Fondation Rockefeller de 2021 (portant sur l’Afrique et l’Asie), le marché de l’énergie renouvelable distribuée permettrait de créer 25 millions d’emplois directs. Même son de cloches pour la Banque Mondiale qui estime que l’électrification complète de l’Afrique entraînerait une hausse de son PIB de 10 % à 15 % sur 15 ans.

(*) Associé-fondateur, AltRaise

 

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